Après une première expérience de l’exposition marquée par la concurrence et l’individualisme, j’ai décidé, en 2015, de sortir de l’occupation personnelle de l’espace d’exposition en invitant d’autres artistes à œuvrer avec moi.
Depuis, je n’ai jamais travaillé seul.

Allant du duo à la quinzaine de membres, ces collectifs éphémères rassemblent des gens de statuts et de générations différentes. Ainsi, bien que principalement constitués d’artistes professionnel·les, ces groupes accueillent également des artistes amateur·ices et des étudiant·es tout en sollicitant des personnes extérieures aux mondes de l'art. Les relations interpersonnelles entre nous sont, elles aussi, variées. Je travaille autant avec des ami·es que des inconnu·es ; certain·es se connaissent quand d’autres font un saut dans l’inconnu et découvrent tout le monde.

La manière avec laquelle ces groupes sont formés diffère. Il arrive que je compose seul une constellation d’artistes ; parfois, ce rôle se partage par délégation et je ne choisis personne ; le collectif peut également être co-créé par ses propres protagonistes ; enfin, il m’arrive d’être invité dans un ensemble déjà constitué.

La co-construction et l’empirisme étant au cœur de nos manières de travailler, chacun de ces groupes invente ses propres modes de fonctionnement et de production : allant de la juxtaposition de formes que nous aurions réalisées chacun·es dans notre coin à l'élaboration d'œuvres collaboratives dans lesquelles il n’est plus possible de déceler nos propres interventions. Entre ces deux voies très distinctes se trouvent bien des nuances, plus ténues, qui viennent enrichir et complexifier nos propositions.

La position d’auteur·ice omniscient·e vis-à-vis de sa propre pratique est reconfigurée. Un renversement de l’autorité s’opère : la mienne se dissout dans ces groupes où toutes les décisions sont prises de manière collégiale tandis que j’emprunte celle des jurys et commissaires d’expositions en subtilisant momentanément leur pouvoir décisionnaire – questionnant ainsi le principe des « élu·es ».

Je cherche à créer une expérience commune qui permette autant aux participant·es qu’aux publics de s’interroger. Comment faire communauté à partir d’un ensemble de singularités ? Quelle est notre place dans un organisme collectif et fluide ? Quelle méthodologie d’évaluation esthétique appliquer pour une pratique dans laquelle le processus importe autant que la forme finale ?